Howard Phillips Lovecraft | J'ai visité Paris avec Poe en rêve

La Halle aux Cuirs : Ce quartier étrange possédait à l'époque une odeur bien caractéristique : celle de résidus de cuir. On y voyait également des rues où la lumière ne pénétrait jamais , car les maisons qui se trouvaient de part et d'autre de ces ruelles se touchaient presque. J'avais été très surpris de constater que Lovecraft avait dépeint ce quartier en 1925 et je lui avais écrit, en 1932, pour lui demander s'il avait visité Paris. Je reçus cette réponse étonnante : "Avec Poe, en rêve. " Jacques Bergier - Je ne suis pas une légende - page 43

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Un jour viendra où, nous aussi, nous nous en irons vers les contrées d'Amrath, qui ne connaissent jamais l'éclat du soleil. Nous survolerons l'incomparable beauté de Narath, ses centaines de portes ciselées et ses coupoles de calcédoine, et les plaines qu'éclairent les trois lunes. Nous nous dirigerons vers les sinistres dômes de la cité interdite, la nécropole, rêvant que nous sommes en train de rêver, nous perdant peu à peu dans les labyrinthes d'Hypnos. Ce sera alors l'heure des cauchemars d'où cette fois, enfin, nous ne nous réveillerons pas, nous réfugiant dans la paix d'un nouvel âge de ténèbres. Une multitude d'immensités plus loin, par-delà la porte du profond sommeil, la mer Cérénérienne et les frontières crépusculaires d'Inganok, Nyarlathotep, le Chaos Rampant et grouillant et sa cohorte de monstres hideux précédant l'arrivée de Cthulhu, nous attendra, siégeant menaçant dans son château d'onyx qui, au sein de l'immensité froide, se dresse au-dessus de Kadath, la cité inconnue. Désormais, nos galères, après avoir passé les flèches d'or de Thran, ne pourront plus jamais faire voile sur le fleuve Oukranos, ni nos caravanes d'éléphants cheminer dans le kled à travers les jungles parfumées où, sur leurs colonnes d'ivoire, dorment, intacts et fascinants sous la lune, les palais oubliés. En sombrant dans la contemplation hypnotique de l'oeuvre de Lovecraft, au coeur de l'envers de l'écriture, nous réaliserons horrifiés que nous aussi, nous sommes d'ailleurs. Ses abîmes nous ouvriront des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons. Alors seulement nous nous résoudrons, marche après marche, à descendre dans les tréfonds insondés de la Crypte labyrinthique de la Maison de la Radio d'où sortent parfois d'étranges clameurs pour enregistrer cette émission à voix basse. Tout autour de nous seront là encore gisants sur le sol noir, disposés en cercle pour on ne sait quel rite innommable, de grands coffres debout, évasés vers le bas - qui s'ouvriront un jour. Nous aurons beau savoir qu'il ne s'agit pas d'antiques sarcophages aux formes inhumaines, nous ne pourrons pourtant réprimer un mouvement de frisson d'une indicible horreur.