True Detective un polar, un polar qui ne se presse pas

Et voilà. Je viens de voir le 8ème et dernier épisode de True Detective et c'est avec un petit pincement au cœur que je quitte ce temps passé dans les pas de Cohle et Hart. Cette série est un petit bijou, lyrique, philosophique, et comme toute grande série digne de ce nom, la musique accompagnant avec maestria nos deux détectives dans une Louisiane moite au rythme des bayous est toute aussi hallucinée que l’interprétation de Matthew McConaughey. Il n'y a pas de doute, c'est un polar, un polar qui ne se presse pas, qui se moque de susciter l'impatience, un polar qui est certain de ses forces et de sa structure.

Du côté de la mise en scène, c'est là aussi du haut niveau avec des plans-séquences diablement bien maîtrisés. Ce réalisateur (Cary Fukunaga) est un vrai peintre des ambiances et des paysages, avec des profondeurs de champs, imprégnées des lumières basses de la Louisiane, repus de décors naturels déchirés et de chaleur moite. Des lignes de force écrasantes, obliques : tout est très menaçant et poétique à la fois, il y a quelque chose de gothique dans cette dynamique des lignes, ces ruptures, cette ambiance étrange. Le temps, ici, n'est pas linéaire mais morcelé, à l'image de ces deux détectives. Ni bons, ni mauvais, seulement humains. Le scénario, déployé sur dix-sept ans et huit épisodes, témoigne de l'attachement de Nic Pizzolatto à la rigueur de la construction romanesque et d'une maîtrise aiguë des dialogues, convoquant Nietzsche, Cioran et Schopenhauer, dans les tirades nihilistes de Rust Cohle.

Mais cette série n'a rien à voir avec la plupart des séries policières, tout d'abord le format (un peu moins d'une heure par épisode) puis toutes les réflexions exogènes à l'enquête : le bien, le mal, la religion, la prostitution, l'amour, l'adultère, le nihilisme, la solitude... Elle est dans la plus grande tradition des romans policiers âpres et rêches qui délivrent plus sur l’homme que sur l’enquête ; le vrai suspense est là, dans cette fascinante chasse aux démons qui démarre sous l'impulsion d'une chasse au tueur. L’important ici n’était pas non plus vraiment "le monstre", mais sa capacité à révéler le monde, comme dans un conte. Nathalie M.