Isabelle Vichniac d'Odessa à Genève hommage

Hommage à Isabelle Vichniac journaliste au Monde, sa plume était son arme contre les injustices.


Ci-dessous lettre d'Isabelle concernant l'Express, la guerre d'Algérie


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Vous pouvez cliquer sur l'image afin de lire son texte, il date de 1960...
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Au départ nous voulions avec S.V. lui rendre un hommage plus construit mais nous nous sommes rapidement aperçus qu'il était impossible de le faire sans trahir sa mémoire, et d'en parler sans émotion... Je vous donne un petit extrait d'un courriel qui résume parfaitement la situation : "Je ne veux pas écrire un texte sur une femme que j'ai tant aimé et avec qui j'ai vécu (...). J'ai découvert cette lettre (le document ci-dessus) qui ma fois illustre bien la journaliste scrupuleuse qu'elle fut et qui évidemment est inédit. Ce matin, j'ai été bouleversée quand j'ai feuilleté ou regardé et lu tout ce qu'elle avait gardé de moi et de nos échanges". La personne qui a écrit ces lignes l'a connue depuis 35 ans peut-être plus. Pour ma part, je ne l'ai  fréquentée "que" pendant dix ans. Je les ai fréquentés car on n'oublie pas, "Jacques mon mari" comme elle le disait si bien. Il y avait "Jacques mon mari" (Jacques Vichniac ou Jacques Givet) et "Jacques mon frère" c'est à dire Jacques Bergier. De deux à cinq heures passées avec eux étaient mieux que de passer  un semestre dans une grande école, il y avait une histoire avec un grand H et de multiples petites histoires toutes aussi émouvantes. Malgré tout il y avait de l'humour, de l'autodérision et du débat... Cet humour était-ce le résultat d'une vie bien remplie avec des tristesses et des joies ? Son origine ukrainienne ? Tout ce que je sais c'est que j'ai passé des moments d'amitiés, de complicités et osons le mot d'amours. Mon seul regret est de ne pas les avoir rencontrés plus tôt, mon seul remord aurait été de ne jamais les avoir rencontrés car tôt ou tard je les aurais recontrés dans un livre ou dans un documentaire... Bernard Kouchner et Michel-Antoine Burnier ont parlé d'elle ainsi dans l'article paru dans le journal le Monde du 1er novembre 2006 : (...)    Elle était née Isa Bergier, le 11 octobre 1917, à Odessa, dans une famille russe. " Tu m'as fait manquer la révolution", lui reprochait sa mère. Mais la révolution se montre cruelle, et les Bergier doivent fuir. A Paris dans les années 1930, Isabelle Vichniac se retrouve secrétaire de Joseph Kessel, qui la pousse dans le journalisme : " Avec ses articles, explique-t-il, Albert Londres a fait fermer les bagnes." Belle leçon qui deviendra la morale d'Isa. (...) Elle suit attentivement les travaux de la Commission des droits de l'homme de l'ONU à une époque où le sujet mobilise peu. Anticolonialiste depuis toujours, elle dénonce la guerre d'Indochine, ensuite et surtout la guerre d'Algérie. Elle informe sur les disparitions, les tortures, elle héberge et fait héberger les réfugiés et les clandestins. Inlassablement, elle organise des rencontres entre Français et Algériens.

(...) A Genève, Jacques et Isa s'étaient installés avec leurs trois fils dans un appartement bourré de bibelots et de tableaux, de livres russes, d'une belle édition de Voltaire, d'encyclopédies et de journaux. Il y passait la terre entière et l'on y dînait délicieusement à dix ou quinze tous les soirs. On y croisait les opposants de toutes les dictatures, Algériens, Angolais, Iraniens, Biafrais, Russes, Polonais, des jeunes gens qui venaient là pour un soir et restaient - fils ou filles adoptifs - pour un an, des écrivains, des jésuites, de belles jeunes femmes, des Israéliens et des Palestiniens, qui, pour une fois, buvaient et parlaient ensemble (...) Never forget what they have done ! Ne jamais oublié ce qu'ils ont fait !